J’ai grandi dans un lieu étrange !… peuplé de bêtes de toutes sortes, de tigres, de serpents, entouré de masques effrayants, de têtes coupées, de lances, de silex et autres instruments totalement interdit aux enfants.
Vous pensez que j’ai grandi en Afrique ? en Océanie ? chez les papous ?
Non, pas du tout ! J’ai grandi dans l’univers fantastique du Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle. Ma mère y travaillait et une fois fini l’école, j’allais la rejoindre en attendant qu’elle finisse son travail.
J’ai donc erré dans ces allées remplies d’animaux empaillés, de bocaux plein de formol, entre les vitrines d’objets du bout du monde, avec des matières et des formes extrêmement insolite surtout pour une enfant de 7 ans.
Voilà ce qui entrait dans mon regard : des objets, des couleurs, une forme d’exotisme, de l’étrangeté, un monde d’histoires imaginaires que j’inventais et qui devenait mon monde ordinaire.
Cette enfance a façonné ma sensibilité au monde et m’a poussé à réaliser des études aux Beaux-Arts de Nantes où j’ai travaillé mon diplôme de 5ème année sur l’exotisme urbain dans la ville de Nantes. Et cette question qui a parcouru ma vie : dans quel lieu nous sentons-nous chez nous ? Sommes-nous chez nous ailleurs dans une autre culture ou en restant sur nos terres natales ? Qu’est-ce qui constitue notre sentiment d’appartenance et de bien-être ?
Mon parcours professionnel raconte cette recherche de la compréhension de l’autre et d’y trouver un lieu porteur de sens. Les différents métiers et formations la retracent comme l’obtention d’un D.U en soin psychique et créativité et être parti m’installer sur l’île de La Réunion par exemple.
Aujourd’hui, cette réflexion s’est étendue sur : comment trouver un équilibre et une harmonie, esthétique et social, dans notre manière d’habiter ? d’habiter la ville ? d’habiter en respect avec nos besoins et la planète ? Et au-delà des questions de notre habitat, comment trouver également une cohérence, une authenticité entre notre intériorité et notre intérieur ?
Et voilà que dans la présentation de ce portrait, vous ne savez toujours pas pourquoi je suis architecte d’intérieur ? Ce n’est pas parce qu’on se questionne sur l’habitat que l’on devient architecte ? Ou même décoratrice ?
En 2016, nous avons construit notre maison avec mon mari en ossature bois et isolation paille et en auto-construction. Une maison simple, de 11m de long, 6m de large, un joli rectangle sur un petit terrain de 400m2 avec une façade sud très ouverte et ces 3 grandes baies vitrées plongeant sur le paysage de montagne que nous offre la ville d’Embrun.
Ce passage à la propriété n’était pas dans mes aspirations profondes, je l’avoue. Elle me confrontait à une forme de restriction, de me sentir figé et quelque part pris au piège. J’avais organisé ma vie dans un mouvement de départ et d’arrivée, un cycle qui se répétait malgré moi tous les 3 ans (va savoir pourquoi ?) !!
Dans ce temps de stabilité que m’offraient les circonstances de la vie, je me suis laissé aspirer par rendre cette opportunité, la plus inspirante possible.
Et je suis, sans m’en rendre compte, rentrée dans ces problématiques de l’aménagement intérieur, de trouver du sens pour être pleinement dans ce nid qu’est une maison.
C’est cela que m’apporte, aujourd’hui ce métier : l’implication dans notre engagement envers nous-même et la planète.
Je pense que la nature et la culture des savoir-faire manuels et artisanaux doivent être au centre de nos préoccupations pour être en accord avec notre environnement et pouvoir accéder à un bien-être. Le lieux de notre habitat doit contribuer à améliorer nos échanges, à soutenir nos valeurs et à participer ensemble à des expériences culturelles et artistiques.
Je crois que j’aide les personnes à être en accord avec elle-même dans leurs lieux de vie ou de travail à un moment de transformation, en traduisant cette singularité, leur personnalité dans l’aménagement et la décoration intérieur.
De la grotte au building, de la chambre au bureau, du vivre isolé au vivre ensemble, du vivre naturel au vivre urbanisé, l’habitat nous sépare ou nous rapproche, nous différencie socialement par l’exclusion de l’habitat, l’habitat précaire, l’habitat standardisé ou l’habitat de luxe. Il semble essentiel de retrouver un sens, une authenticité à nos espace de vie pour tout d’abord permettre à nos corps et à notre mental de s’apaiser mais aussi pour élaborer une approche résiliente de ces espaces quotidiens.